Je l’avoue : quand le troisième opus était sorti, début 2012, j’ai eu un mouvement de réticence, un a priori sur les images que je voyais. Un Max Payne en chemise à fleur, crâne rasé, au milieu des favelas ??? Dans mon esprit encore trop étriqué, Max Payne était un ancien flic, imper noir, le visage marqué au burin du destin tragique de sa femme et de sa fille, errant dans un New York gangréné par la pègre, un homme gorgé d’alcool et de médocs, suicidaire et plus sombre encore que les recoins les plus reculés de l’enfer. Bref, un chouette type avec qui on passait son temps à faire du bullet-time depuis des escaliers (à défaut de pouvoir le faire dans un VRAI jeux Matrix…), car le gameplay en valait largement la chandelle : maniable, efficace, nerveux.
Sans parler de la mise en scène : pas ou peu de cinématiques, mais un traitement BD’esque, dans le même esprit que Sin City (Miller & Rodriguez, 2005). Ces décors gris et la noirceur du trait s’accompagnait en outre d’une musique triste à vous en arracher le cœur (le thème joué par Perttu Kivilaakso [ex-membre d’Apocalyptica] est juste incroyable…).
C’est peut-être le prix en action sur Steam qui m’a convaincu. Ou de retrouver ce vieux Max. Mais pas que. Dans tous les cas, je réfléchirais à deux fois désormais….
De Sin City, on passe à Man on Fire (Tony Scott, 2004). L’histoire, mais aussi la mise en scène, est similaire à ce film où un garde du corps (Denzel Washington, excellent) échoue dans la protection d’une petite fille dans un Mexico City où les riches sont dans des immeubles sécurisés, constamment sous protection. Le rythme est nerveux, les cadrages se découpent, se figent, zooment, avec les paroles qui s’impriment à l’écran comme pour souligner leur importance. On déplace quelque peu le curseur dans Max Payne 3 : pas de petite fille, mais une famille riche où les aînés jouent avec le pouvoir et leur progéniture avec la drogue, les filles et l’argent. Autant dire que Max arrive comme un cheveu sur la soupe, relevé de son état dépressif à New York par son ancien collègue Raul Passos. Ce qui donne des moments délicieux où le pauvre est confronté à un état constant de fiestas imbibées de drogue, d’alcool et de musique électro dégueulasse, devant protéger entre autres la tête à claque de fils de celui qui l’emploie. Ceci prend gentiment place dans une intro à couper le souffle, servie par cette musique incroyable (à noter que la BO conçue par le groupe HEALTH est dispo sur itunes !).
Côté gameplay, on reprend la même chose que le deuxième, avec toutefois des petits détails qui améliorent l’immersion. Du réalisme : le fait de ne pouvoir porter qu’un nombre limité de pétoires ou le visage qui se tuméfie au grès des coups ou les habits qui se tachent de sang. Mais encore, petit détail subtil, les protagonistes parlent le plus souvent portugais (Brésil oblige) et donc, si l’on ne maitrise pas la langue de Ronaldo, on partage exactement la même expérience que Max : se retrouver comme un con quand des ennemis vous hurlent dessus ou que nos patrons font leurs petites messes basses. D’habiles transitions entre cinématiques et jeu rendent le contenu encore plus dynamique, sans parler des gunfights nerveux lorsque déboulent plusieurs ennemis en même temps : les headshots sont d’autant plus importants dans ces moments-là !
Les décors sont fabuleux. Passé la noirceur de New York City, ici c’est la moiteur des bidonvilles. Les dédales donnent le tournis, la peur de se prendre une balle venue de n’importe quelle fenêtre augmente la tension. Pareil dans les scènes dans les clubs. Sans parler des graphismes, qui rendent grâce à ces décors et jouent beaucoup sur les effets de lumières, d’explosions et de balles sifflant dans l’air.
Les scènes de flashback, savamment utilisées, permettent d’apprécier un retour dans New York et le récit qui explique pourquoi Max se retrouve en Amérique du Sud : Cimetières sombres, HLM désolés, petite pègre hargneuse. La même désolation qu’à Sao Paolo, mais sans le soleil et les plages…
La violence y est omniprésente et radicale, et surtout, elle n’a pas de camp. Autant la guerre entre les gangs armés jusqu’au dents que les pratiques policières (tant polices d’État que milices privées et/ou paramilitaires) proches de la Gestapo, chacun se salit les mains. Max, qui pourtant en a vu d’autres, est sous le choc. Pris entre deux feux, marchant comme un funambule sur le faîte de ce contexte sanglant, Max fait son chemin et contemple, toujours plus cynique, les dérives violentes de la société. Tout en y prenant part, malgré lui (?)…
Toute ressemblance avec un flic neworkais tout aussi suicidaire, chauve, en liquette et la gueule en sang, est fortuite !
Et Max. Alors qu’il prend progressivement l’apparence d’un certain inspecteur McClane, il garde tout son cynisme, ses envies suicidaires. Un même sens de l’humour, certes, mais bien plus cynique et noir du côté de Payne. Et un autre point commun, le fait d’avoir son chic pour se mettre toujours dans des situations pas possibles et de dévaster tout sur son passage ! L’action y est donc constante, avec de rares temps morts (plus de love story comme dans le deuxième épisode).
Seule amère déception : la durée. Pas un seul établissement dans Sao Paolo ! A peine quelques heures pour terminer le scénario. C’était un le même point faible que pour le second, si je me souviens bien. En même temps, pour nuancer cette critique, il faut se dire qu’un tel genre cinémato-vidéoludique ne se prêterait peut-être pas à un développement long, comme c’est le cas pour Deux Ex, par exemple. Il faut une histoire nerveuse, courte, qui lessive le joueur tant sur le gameplay que sur l’histoire elle-même. Un shoot rapide, comme Max pour se remettre en forme !
-M-O-R-R-A-
Publié dans Divers
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